Rain, Leigh &... Gordon. [R]

« Cette bête ne rentrera pas. »
« Ce n'est pas une bête. C'est Gordon. Mon furet. »
« C'est velu, et ça a des moustaches. »
« Vous êtes plutôt mal placé pour dire ça ! Vous avez la tête du type qui a plein de poils sur le... LEIGH ! LEEEEEEEIIIGH ! »

Rain appela son amie tout en agitant les bras de sorte à ce que Leigh la voie. Juste avant de partir de chez elle, Rain avait bu un petit -deux petits- verres, histoire de se mettre dans l'ambiance de la soirée. Quelques jours plus tôt, Rain avait entendu parler d'une soirée stip-tease organisée au Showcase. Naturellement, elle avait envoyé un texto à Leigh, lui disant que c'était LA soirée du siècle, LA soirée chaude, plus chaude que la braise brulante sur le feu bref, ça allait être chaud. « Je le crois pas, tu as emmené Gordon la furette ? » fit Leigh, incrédule. Rain s'empressa de boucher les oreilles de Gordon avant de répondre sur un ton plein de reproches: « CHUUUUUUUUUUUUUUUT ! Elle n'est pas encore au courant qu'elle est une fille. Je n'ai pas encore trouvé les bons mots pour lui annoncer, tu comprends... » Pour le petite histoire, Rainbow avait adopté le furet il y avait deux ans. Lorsqu'on lui avait vendu, on lui avait juré que c'était un garçon. Mais un jour, Gordon commença à avoir ses chaleurs. Bref. Inquiète, Rain l'avait emmené au vétérinaire qui lui expliqua que Gordon était en fait une fille, ce qui expliquait les "formes bizarres qu'il avait entre les deux pattes arrière".

« BON. Les nénettes, vous virez là. Il y a d'autres personnes qui font la queue. »
« Ecoute Bob. »
« Bill. »
« Qui ça ? Ecoute, si tu nous laisse entrer, ma copine là, elle se montrera gentille avec toi Bob. Si tu vois ce que... » Rain n'eut pas le temps de finir qu'elle se fit trainer à l'intérieur par Leigh. Au bout de quelques minutes, les deux jeunes femmes trouvèrent une table avec des places libres. Elles commandèrent un verre, puis deux, puis... bref. Soudain, les lumières s'éteignirent. Des filles commencèrent à hurler et à agiter des petites culottes. Ce qui était bizarre, c'était qu'elles avaient toutes la cinquantaine, au moins. La scène s'alluma, dévoilant cinq hommes de dos qui bougeaient leurs fesses dans le rythme de la musique. Rain se mit à hurler elle aussi, et sortit la tête de Gordon de son sac pour que lui aussi puisse assister au spectacle. Elle échangea un regard ravi avec Leigh, qui se mit à hurler à son tour. Les strip-teasers finirent par se retourner, et enlevèrent leur chemise d'un seul geste. Leigh et Rain, qui étaient aux premières loges, eurent un arrêt de quelques secondes.

« Ohmondieumondieumondieu. »» murmura Rain, tout en cachant les yeux de Gordon la furette. Sur scène, des hommes. Des hommes de soixante ans, le torse velu, transpirants, au bord de la crise cardiaque. La soirée du siècle était en fait, un strip-tease de sexagénaires. Lesdits sexagénaires enlevèrent ensuite leur pantalon, ce qui arracha un haut le coeur à Rain.

C'est merdique, je sais. Mais je n'ai jamais réellement été très douée pour les premiers posts.

« J'suis dehors ils veulent pas nous laisser rentrer. »

Voilà le texto que Leigh avait reçu il y avait quelques minutes, alors qu'elle venait à peine d'entrer dans le club, après une file d'attente de plus d'un quart d'heure. Elle s'était ruée sur les tables devant l'estrade pour en prendre une et la réserver, parce que Rainbow n'avait cessé de lui répéter qu'un show comme ça, ça se voit du premier rang et pas du fond sinon tu profites pas vraiment. Après tout, c'était elle l'artiste et Leigh s'était faite à l'idée d'aller voir un show de strip-tease au premier rang. Pas que l'idée la gène véritablement en soi, après tout, elle ne crachait pas sur un bel Apollon, surtout si celui-ci dévoilait quelques atouts, mais, enfin, elle était enceinte. Elle était une adulte. Avec des responsabilités. Et ça ne paraissait pas vraiment compatible.

Bref, lorsqu'elle reçut ce texto, elle s'interrogea d'abord sur la teneur du « nous ». Connaissant Rainbow, elle aurait pu amener n'importe qui qui avait l'air à peu près sympa dans la rue, et même des gens, qui pour le commun des mortels, avait l'air vraiment flippant mais que, elle, elle trouvait sympa. Elle s'attendait à peu près à tout, et lorsqu'elle vit Rainbow en train de parlementer avec le videur, ses yeux ne purent que s'écarquiller.

« Je le crois pas, tu as emmené Gordon la furette ? »

Elle s'approcha, croyant être victime d'une hallucination, mais ce n'était pas le cas. Peut-être qu'emmener sa furette à un show de strip-tease faisait partie d'un plan de Rain pour faire comprendre en douceur à son animal qu'elle était une fille et pas un garçon comme elle avait été élevé(e).

Sentant que la langue de Rain était encore trop bien pendue, Leigh opta pour une solution radicale et attrapa la jeune femme par le poignet et la tira à l'intérieur. Et si le videur n'était pas content, elle le menacerait de porter plainte pour violence sur femme enceinte. En effet, même si cela ne se voyait pas encore trop, la jeune femme était enceinte d'un peu plus de trois mois. Il n'y avait que Rain pour venir titiller ses hormones à cette période de sa grossesse.

Les deux jeunes femmes n'eurent pas le temps d'échanger les banalités de rigueur que les lumières s'éteignirent et que la scène prit feu avec cinq hommes, prêt à... mettre le feu, justement. Leigh, portée par l'ambiance, se mit à son tour à crier d'une voix suraiguë et si elle avait pu siffler, elle l'aurait fait. Avant d'être coupée court lorsque les danseurs se retournèrent et se révélèrent être des retraités amateurs de choses cochonnes.

Elle se tourna interloquée vers Rain, qui avait elle-même la bouche grande ouverte d'étonnement, le tout mélangé à une expression de dégoût.

« Mais, t'es bigleuse ou quoi ? T'avais pas vu que c'était réservé seulement aux siphonnés proche de l'extinction ?! » hurla-t-elle pour se faire entendre à travers la musique et les hurlements des autres femmes, qui elles, appréciaient le spectacle.

« Je vais vomir. » lâcha-t-elle, soudainement saisie par une de ces nausées qu'elle croyait terminées.

Merde. Rain ne comprenait pas pourquoi ce n'étaient pas des mecs avec des tablettes de chocolat à faire fondre n'importe quelle femme, qui se trouvaient devant elle. Décidément, elle avait un don pour les plans foireux. Elle essaya de se remémorer la scène du moment où elle avait entendu parler de cette soirée. Réfléchis Rain. Ce n'est pas si compliqué. Réfléchis. MERDE ! Voilà. Elle savait où elle avait merdé. Au moment où une vieille avait dit en gloussant que son mari y était, elle aurait dû s'en douter. Maintenant, elle avait entrainé Leigh dans ce film porno pour quatrième âge en trois dimensions. Non seulement elle allait traumatiser son amie, mais aussi le foetus de son amie. Elle posa soudain ses deux mains sur le ventre de son amie après lui avoir soulevé le tee-shirt, et entreprit de parler au nombril de Leigh. Peut être la quantité d'alcool qu'elle avait ingurgité -bien que assez faible- l'influençait dans ses actions. « Mini Verdi, je suis désooooooolée. Pardonne moi. Quand tu sortiras de je ne sais quel trou de ta maman, pitié, ne m'en veux pas trop. Si tu es une fille, tu me comprends, j'en suis sûre. Si tu es un garçon...ben... je ne sais pas, en fait. » les yeux larmoyants, elle releva la tête vers Leigh, tandis que cette dernière se plaignait de nausées. « Pour me faire pardonner, tu peux vomir dans mon sac. » dit-elle en brandissant son sac, tandis que Leigh le lui arrachait des main pour se soulager. « Ah. C'est pas mon sac en fait.. » observa-t-elle, apercevant son propre sac à ses pieds. Lorsque Leigh eut fini ce qu'elle avait à faire avec le sac, Rain le lui reprit avec un sourire aux lèvres. Retenant sa respiration, elle ferma soigneusement la fermeture éclair du sac, avant de le faire glisser avec ses pieds jusqu'à la table voisine où elle l'avait emprunté.

Craignant que la femme à qui Rain avait emprunté le sac afin que Leigh laisse libre cours à ses reflux gastriques ne se manifeste, les deux jeunes femmes changèrent de table et se retrouvèrent encore plus proche de la scène. Les minutes passèrent, tandis que Rain et Leigh observaient attentivement le spectacle hors du commun qui se déroulait sous leurs yeux.

Les deux jeunes femmes commandèrent un verre d'eau pour se rafraîchir les idées et, encore quelques minutes plus tard, Leigh avait l'air d'avoir repris des couleurs. Quant à Rain, elle trouvait le spectacle... intéressant, en fait. Prise d'une détermination soudaine, elle se leva, renversant sa chaise au passage. Elle se planta devant Leigh, les mains sur les hanches, pointant son index sur son amie. « BON. Si on est là, c'est pour s'amuser. » cria-t-elle, pour couvrir le bruit de la musique. « On a ici l'occasion de rencontrer des homme plus mûrs, plus matures. » Tandis qu'elle s'exprimait, Georges, l'un des "danseurs", exécutait une danse du ventre plutôt osée devant des vieilles qui lui mettaient des billets dans le slip tout en hurlant des "encore". « Si on ne fonce pas maintenant, on ne foncera jamais. ON A DES COUILLES BORDEL ! » les clients de la table de devant se retournèrent, l'air intéressé. Déterminée, Rainbow tendit la main à Leigh pour qu'elle l'accompagne sur scène, afin de se trémousser avec les autres stip-teasers qui étaient restés sur scène. « Ton gamin sera fier de toi Leigh, je te le jure. Un jour il pourra dire "Ma maman a dansé avec des vieux à poil et à poils." » elle ajouta enfin, le plus sérieusement du monde: « Libère toi Leigh, il est temps. » Juste après avoir prononcé cette phrase, elle se rua sur la scène et s'empara du micro avant de déclarer à toute la salle: « Je suis Rainbow Ainsworth. Et je n'ai pas baisé depuis plusieurs mois. » Elle reporta de nouveau son regard sur Leigh, l'encourageant à venir sur scène avec elle, afin de se libérer à son tour.

Une main devant la bouche, Leigh ne prêta même pas attention à la conversation privée entre l'embryon qui devait avoir la forme approximative d'un lémurien et Rain. Les gens des tables avoisinantes, heureusement, ne semblaient pas décidés à y prêter plus d'attention qu'elle et ce petit intermède entre son nombril et son amie passa relativement inaperçu. En même temps, il fallait dire que le déhanché du mec déguisé en flic était plutôt... hypnotisant. Tellement hypnotisant qu'à force de trop le fixer, la tête commença à lui tourner, et cela conjugué aux nausées fit qu'elle eut un haut-le-coeur si puissant qu'elle eut à peine le temps d'attraper le sac que lui tendait Rain et de se vider les tripes dedans. Elle lui tendit le sac, comme si elle rendait à une hôtesse les sacs en papier spéciaux pour les gens aux intestins mal accrochés et se passa la main sur le visage. Elle en aurait presque des sueurs.

Elle ne comprit pas bien pourquoi mais Rainbow voulut changer de table ; Leigh la suivit, les jambes encore fébriles, et se laissa tomber sur une chaise vide. Lorsqu'une serveuse visiblement ménopausée vêtue d'un costume de lapine passa leur demander si elles souhaitaient consommer quelque chose, elle s'empressa de demander un verre d'eau, le regard fixé sur un espace neutre, situé très exactement entre la paire de menottes du flic et le marteau de l'ouvrier de chantier. Elle garda cette ligne de conduire jusqu'à l'arrivée de son verre d'eau, elle but en deux gorgées – mis à part le fait qu'elle avait vomi, il commençait à faire chaud dans la salle ; le mélange des hormones dégagées par tout ce joli petit monde rendait l'air lourd et étouffant.

« Hein ? Mais qu'est-ce que tu dis ? T'as fumé la litière de Gordon ? »

Leigh n'en croyait pas ses oreilles. Elle en avait rien à braire des hommes plus matures, sauf quand ils ressemblaient à Doug Ross dans Urgences ou le beau plombier de Desperate Housewives. Elle regarda autour d'elle, gênée par le langage qu'utilisait Rain – qu'elle même employait aussi, après quelques verres d'alcool, soyons honnêtes – et s'apprêta à riposter quand celle-ci lui offrit sa main. La main de Leigh, elle, resta immobile sur ses genoux.

« Attend, faut me payer au moins neuf sculptures comme la tienne pour me faire monter là-dessus ! »

Mais Rain était déjà montée sur scène. Et, ohnonohnonohnon, elle lui fit signe après une confession pour le moins... bref, intime. Les techniciens et organisateurs, ravis de tant de succès et de dynamisme dans leur public, allumèrent un spot supplémentaire qu'ils braquèrent sur Rain, mais voyant que celle-ci faisaient des signes bizarres à quelqu'un dans l'assistance, ils suivirent le regard de cette dernière et arrivèrent, justement, sur Leigh.

Aveuglée comme un lapin sur l'autoroute en pleine nuit, Leigh cligna des yeux. Elle secoua gentiment la tête en signe de refus, mais le public se mit à taper dans ses mains en rythme en scandant « SUR SCENE SUR SCENE ».

« Gros cons, » siffla-t-elle, alors qu'elle se levait et prit le chemin de la scène. Elle espérait vraiment ne pas vomir de nouveau. Quoique cela mettrait très certainement fin à son supplice.

« Euh... » sifflement atroce du micro, « salut à tous ! Je suis Leigh et... je... j'adore les Village people ! »

Blanc. Puis...