I've had such a wicked time

« Attend, attend, attend ! »

Leigh se retourna et s'appuya contre le mur adjacent pour se stabiliser. Elle se sentait comme un gamin qui a entortillé les cordes de la balançoire et a fait une centaine de tour sur lui-même à toute vitesse « parce que c'est rigolo » : à savoir, la terre tournait autour d'elle, et dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, s'il-vous-plaît. Ce qui fait que ce qu'elle croyait être devant elle se retrouvait la seconde d'après derrière. Ou en fait, toujours devant, ah pardon, c'est elle, quand elle cligne des yeux, ça devient noir, alors ça fait comme si tout était derrière. Bref. Elle s'appuya lourdement sur le mur et tourna la tête vers sa moitié, plus connue sous le nom de Jamie.

« Mais qu'est-ce que tu fous ? » demanda-t-elle, légèrement agressive.

« Je remets mes cheveux ! »

Leigh regarda d'un air dubitatif sa soeur, affairée à se passer les doigts dans ses cheveux clairs, en louchant sur son reflet dans la vitrine d'une galerie d'art.

« Non mais ça va, tu sors déjà avec lui, s'il a accepté c'est qu'il doit bien te trouver un truc, t'as pas besoin de nous faire Miss Italia 2007 quoi. Et les autres sont déjà là normalement ! »

Silence affairé de la Jamie en question.

« Bouge toi punaise faut que je fasse pipi ! »

La soeur jumelle sembla convaincue par cet argument puisqu'elle ajouta « Oh t'as raison, moi aussi ! » et elle se mit à courir comme une dératée vers l'enseigne lumineuse qui leur tendait littéralement les bras de l'autre côté de la rue.

« Attend grognasse, je suis en talon, je peux pas courir ! » hurla Leigh alors qu'elle titubait tant bien que mal sur les pavés.

A peine avaient-elles poussé les portes du Crown Club que l'air ambiant chargé de sueur, de bière et de fumée de cigarette vint les réchauffer du froid polaire qui régnait dehors. Les deux jumelles venaient de traverser la ville à pied depuis le Kabonito où, visiblement, elle avait légèrement abusé du mojito. Mais pour les jumelles, un dimanche matin sans mal de cheveux, c'était un samedi soir raté. Elles se ruèrent comme un seul homme dans les toilettes - restant au passage bloquées dans la porte - et prirent possession chacune d'une cabine.

Culotte sur les cheville, Leigh demanda :

« Bon alors, ils sont où les autres ? Astor c'est normal la dernière fois que je l'ai vu elle vidait ses tripes dans le canal, mais les autres, ils devraient être là, non ? »



[ ]

« Astor … Astor … ASTOOOOOOR ».

La voix d’April résonnait dans les rues désertes où elle tentant tant bien que mal de suivre son amie qui était partie en courant droit vers le canal. Comment faisait t-il pour courir, là était le grand mystère irrésolu de la vie, puisque tenir debout relevait pour elle de l’exploit. « Attend moi y’a trop de virages j’ai le mal de mer ».. La route était pourtant droite, mais il s’agissait probablement d’une blague idiote des garçons : lui indiquer une route à virages en lui disant qu’elle était droite. Très amusant.

« Te voilà mais … Pourquoi tu regardes les poissons … Il fait nuit, c’est pas possible de les voir » . S’approchant lentement, accrochée à la barrière, April ( qui, vous l’aurez comprit, avait elle aussi légèrement abusé de la tequila du mexican ) fixa pendant plusieurs secondes Astor qui venait de vider au moins cinq fois le contenu de son estomac dans le canal. En fait elle ne regardait peut être pas les poissons. « MAIS TU ES FOLLE ! ». Elle la fixa avec horreur, puis dévala les escaliers à toute vitesse, évitant de justesse de se fouler la cheville : « Tu te rends compte que tu viens de porter atteinte à l’environnement de petits poissons innocents. ».

Les larmes lui montèrent aux yeux. Pauvres petits Némos qui n’avaient rien demandé à personne qui étaient maintenant asphyxiés par tout ce qu’Astor avait eu la gentillesse de leur offrir. Le nez en l’air, les lèvres tremblantes, on aurait dit une gamine dévastée par la mort de son poisson rouge. Inspirant un grand coup, elle remonta les marches pour se placer en face d’Astor qui semblait déjà en meilleur état. « Tu crois que l’eau peut me porter vers l’infini et au delà ? » .

Sans attendre de réponse, elle grimpa laborieusement sur la barrière, et sauta. D’un seul coup, sans que personne ai put la retenir, elle avait plongé dans le canal, convaincue qu’elle pouvait réellement marcher sur l’eau. Quatre secondes après, elle poussa un hurlement strident : « AAAAAAAAAAAAAAH C’EST FROID ÇA MOUILLE ET C’EST MÊME PAS L’INFINI ».

Trempée, pestant contre tout et n’importe quoi, elle grimpa une seconde fois les marches et soupira : « Jésus est un … un … UN ARNAQUEUR ».. C’est qu’elle avait de l’allure, trempée jusqu’aux os, quelques feuilles dans les cheveux, mais toujours pas sobre. « Je veux faire du patin à roulettes. ». Attrapant Astor par la main, rejoignit l’endroit où sa voiture était stationnée et ouvrit en grand le coffre. « Je prend les rouges, y’a un autocollant la Petite Sirène dessus ! ».

Une dizaine de minutes plus tard, la porte du Crown s’ouvrait en grand, et tout le monde s’arrêta de parler.

Astor et April (qui dégoulinait encore de l’eau du canal) venaient d’entrer agrippées l’un à l’autre, beaucoup trop vite, sur leurs patins à roulettes trop petits pour elles, bourrées et hurlant de terreur. « Mais pourquoi y’a pas de freins, pourquoi y’a pas de frein, je veux des freeeeeeeeins ».

Avant qu’elle n’ai pu finir sa phrase, April finissait brutalement sa course contre le comptoir du bar. Sonnée, elle secoua plusieurs la tête, cligna des yeux en regardant autour d’elle. La première personne qu’elle connaissait qui entra dans son champ de vision fut Derek. Un large sourire apparut sur son visage alors qu’elle se redressait péniblement, dérapant toutes les secondes sur le parquet glissant. Elle allait en toucher deux mots à Lorenzo dès qu’elle le retrouverait.

« Derek, que je suis contente de te voir. On t’a déjà dit que tu ressemblais aux frères Bogdanov ? ».

Les cris consécutifs de Lorenzo – qui annonçait à qui voulait l’entendre qu’il était, dieu soit loué, vivant – et de Derek – pour le coup, le flou se fit à propos de qui avait niqué ce « Coper » dont il était question – tirèrent Reese de sa torpeur alcoolisée. Un filet de bave faisait se rejoindre le coin de sa bouche au bras sur lequel sa tête était reposée depuis quelques deux minutes hasardeuses et il lui fallut pas moins d’autant de temps pour se remémorer les derniers événements qui l’avaient amené jusqu’au Crown. Parce qu’il pouvait bien avoir le nombre le plus gigantesque de grammes d’alcool dans le sang, jamais il n’oublierait la décoration emblématique du club que la petite troupe de bras cassés avait fait son quartier général. Alors qu’une cacophonie à l’origine inconnue lui vrillait le cerveau, le jeune Edelstein eut un réflexe venu d’il ne sut trop où qui le fit se reculer de son tabouret juste à temps pour éviter le duo trempé et patinant formé par April et Astor. Il fut pris d’un fou rire irrépressible quand son regard se posa sur les patins à roulettes taille fillette qu’elles avaient aux pieds. « Les filles, » commença-t-il d’une voix embrumée, « comment vous faites pour tenir debout sur des chaussures aussi petites ? » Sa phrase dut sortir en trois fois avant d’être articulée correctement, d’une part à cause de sa bouche pâteuse toujours pas remise de son somme de trente secondes, d’autre part parce qu’il pouffait comme une collégienne, sans raison apparente.

Maintenant qu’il avait recouvert un tant soit peu ses esprits, il se bougea du tabouret, bousculant au passage son voisin de comptoir qui l’insulta copieusement sans que Reese ne l’entende ; il était déjà trop concentré sur sa prochaine cible à atteindre : le bout de bar sur lequel venait de s’installer – bon gré, mal gré – Derek. « MEC ! » hurla-t-il, s’imaginant sans doute que la musique était en mesure de couvrir sa voix alors qu’il était situé à moins de cinq centimètres de l’oreille de son pote. « OU ILS SONT TOUS LES AUTRES ? » Il se retourna pour faire face au reste de la salle dans un mouvement trop rapide qui lui provoqua un tournis doublé d’une envie de vomir. Néanmoins, il serra les dents, se refusant de s’abaisser à pareille action. Non seulement, il ne voulait pas avoir à perdre face à Lorenzo – c’était lui le meilleur à ce jeu-là et il comptait bien continuer à asseoir sa réputation de « plus gros buveur sans vomir » - mais, en plus, la partie juive de son éducation se refusait de lui laisser l’occasion de se débarrasser si rapidement de quelque chose qu’il avait payé. Maman serait fière.

D’une démarche titubante, et oubliant par la même occasion Derek sur son bout de comptoir, le cadet de la bande se dirigea vers la cabine du DJ qui, habitué par ces démonstrations flagrantes d’excès en tous genres, ne s’interrompit pas même quand Reese lui adressa la parole. « Hey, mon gars, je sais pas si je te l’ai déjà dit mais ton son il déchire touuuuut ! » Le disc-jockey hocha la tête avec un semi-sourire amusé, en réalité, Edelstein ne s’en souvenait probablement jamais mais à chaque soirée de ce type, il faisait le déplacement pour le féliciter sur son travail. Si l’intention était bonne, la répétition commençait à fatiguer. Sitôt sa bonne action de la soirée faite, Reese se mit à la recherche d’une autre personnalité à aller à la rencontre. Son dévolu se jeta sur une paire de têtes blondes parfaitement identiques de qui il s’approcha non sans difficultés. « Les Verdi ! » s’exclama-t-il comme s’il ne les avait pas vues depuis des lustres – lustres qui, en réalité, se résumaient tout au plus à vingt-deux minutes – et en passant ses bras autour de leurs cous. « Leigh, » fit-il en s’adressant directement à l’orifice auditif de la demoiselle en question et en appuyant plus que de raison sur le « i », « ta jumelle c’est ma meilleure amie, tu le sais ? » Puis il tourna la tête à cent-quatre-vint degrés pour se retrouver face à face avec Jamie. « Hein oui que tu es ma meilleure amie ?! » Son regard de cocker s’emplit de larmes d’émotion qui ne coulèrent cependant pas. Le jeune homme sembla victime d’un bug momentané, ses yeux perdus dans le vague quelque part entre la joue droite de Jamie et le cosmos, puis il revint à lui comme si rien ne s’était passé.

« LORENZOOOO ! » cria-t-il sans se soucier d’arracher les tympans des deux jumelles qu’il lâcha brusquement, se retrouvant dès lors seul au milieu de la piste et sans plus de repère. « LORENZOOOO ! OU QU’IL EST LE KEBAB ? »

Amsterdam de nuit est une vision époustouflante. Cependant Astor avait rarement l’occasion de s’émerveiller de la beauté de sa ville vu que les nuits elle était souvent, pour ne pas dire tout le temps, relativement pompette. Cette nuit là n’était pas une exception à la règle. Astor courrait dans les rues désertes d’Amsterdam, April sur les talons qui lui criait de s’arrêter. Mais la jeune femme ne pouvait s’arrêter, sentant la vague de nausée l’envahir de plus en plus. Elle atteint le canal pile au bon moment et vida son estomac et le trop plein d’alcool sans vraiment entendre le charabia d’April. Elle cracha une dernière fois dans le canal alors qu’April la rejoignait et se mettait à lui crier dessus.

« Et mon bien être à moi? » Elle se releva et poussa un profond soupir en fermant puis ouvrant à nouveau ses paupières. Les soubresauts de son estomac s’étaient calmés, elle y voyait plus clair, l’air frais faisait du bien à son mal de tête qui commençait à s’estomper. « Et d’abord, les poissons ils aiment la téquila, j’en donne toujours à Polochon le samedi soir pour pas qu’il s’ennuie ! »

Astor se laissa lourdement tomber sur le sol et leva la tête vers le ciel, regardant les étoiles, les paroles d’April semblaient très lointaines, cependant un mot retint son attention « infini ». Astor se tourna immédiatement vers April, se donnant le tournis, mais eu juste le temps de la voir sauter dans l’eau. « APRIIIIIIIIIL !! » cria Astor en se relevant aussitôt, craignant le pire pour son amie. Elle commença à entrer dans le canal quand la tête d’April ressortie de sous les eaux en criant qu’elle était glacée. Astor ne put s’empêcher d’éclater de rire en voyant l’état de son amie. Quand April énonça son envie de patin à roulettes, Astor n’eut pas le temps de dire quoi que ce soit que son amie lui avait déjà attrapé la main, l’embarquant avec elle à un endroit bien précis. Astor trébucha plusieurs fois et se mit à râler.

« Attends, mais attends ! Vas pas si vite je suis un diesel moi, AIE ! » Elle venait de percuter le pare-choc de la voiture d’April. Elle posa ses deux mains sur la carrosserie glacée qui lui fait un bien fou. « Han, froid ! » Astor s’affala sur la voiture d’April, son visage en contact avec la carrosserie, elle poussa un soupir de bien être alors que son amie était déjà en train d’attacher des patins à roulette à ses pieds. Quelques minutes plus tard, April tirait une nouvelle fois Astor par la main qui quitta la fraicheur de la voiture en grognant. La jeune femme ne s’était pas rendu compte que ses pieds étaient à présent chaussé de patins à roulettes oranges et elle tomba immédiatement par terre en criant à tue tête.

Une dizaine de minutes après, les deux amies avaient réussi à dompter leurs roulettes et glisser à toute vitesse en direction du Crown. Le videur qui les reconnu ouvrit immédiatement la porte pour les laisser pénétrer dans le bar. Les deux jeunes femmes étaient agrippées l’une à l’autre riant et hurlant en même temps, quand soudain April pointa une chose importante, comment freinait-on avec ces trucs là ? Avant qu’elles n’aient pu découvrir se mystère, elles entraient en collision avec le bar, tombant l’une sur l’autre. Astor ne put s’empêcher d’éclater de rire dès qu’elle vit les têtes surprises et les airs interloqués des clients du bar, et surtout de ses amis.

« C’est trooooooooooop bien ! Tu devrais essayer Reese ! » s’écria t’elle soudain en retira ses patins à la hâte et les fourrant dans les mains de son ami dès qu’elle fut à nouveau sur ses pieds. Elle tangua quelque peu et se rattrapa au bar et au premier bras qui était tendu près d’elle, celui de Derek. « Dereeeeeeeek ! je t’aime !» couina t’elle en passant ses bras autour du cou du docteur et lui déposant un gros bisou bruyant sur la joue. Elle reproduit le même schéma avec Reese et Lorenzo. Une fois dans les bras de ce dernier, elle le regarda, intriguée…

« T’as fait quoi de ma copine ? Enfin ta copine, mais c’est ma copine plus que la tienne… » Astor aperçut les jumelles et leva les bras au ciel en criant « HOURRAAA ! » Elle posa ses coudes sur le bar et regarda le barman avec intensité. « Bonjooour Petit Eucalyptus, on pourrait avoir 7 téquila… » Elle battit des paupières comme pour l’attendrir et le serveur se mit à servir les shooters en rigolant.

Leigh essaya de s'asseoir une fois, deux fois, trois fois oh et puis merde tant pis, sur un tabouret devant le bar qu'elle avait rejoint si difficilement qu'il lui semblait avoir fait le Paris-Dakar d'une traite. D'ailleurs, elle se pencha sur le bar et s'apprêta à passer commande d'une boisson rafraîchissante mais absolument pas hydratante quand elle se prit une giclée d'eau dans la face. Elle fit volte-face, manquant au passage d'assommer Derek qui venait littéralement de se téléporter dans le bar, pour voir d'où venait la nuisance. C'est ainsi qu'elle fit entrer dans son champ de vision Astor et April, totalement ivre mortes mais aussi entièrement mouillée. En plein de mois de novembre. Et surtout, ça ne l'étonnait pas.

« Héééééééé, vous avez trouvé où des douches publiques ? » hurla-t-elle dans le vide sidéral qui constituait l'ensemble des cerveaux de ses amis retrouvés.

Elle se tourna vers Jamie et trouva tout d'un coup que sa petite tête blonde était trop trognonne (en oubliant qu'elle possédait quasiment la même). « Hein Jamie que des douches publiques ça serait trop kiffant ? Parce que tu te rappelles la fois où tu m'avais vomi dessus et où on avait dû rentrer à pieds et qu'on sentait trop le poisson fris parce que t'avais mangé du poisson fris au dîner et que tu l'avais vomi ? »

Mais sa litanie fut interrompu par un hurlement semblant venir du fin fond d'une caverne – ah non pardon c'est Reese (elle l'avait deviné parce qu'il sentait fort la bière, pas bête la guêpe).

« OUAIS OUAIS JE SAIIIIS, » hurla-t-elle, persuadé que Reese n'allait pas l'entendre tellement lui-même parlait fort – raisonnement complètement à côté de la plaque mais elle-même était à côté de ses pompes si l'on puis dire.

Leigh se rendit compte que finalement, elles étaient plus tranquilles à deux. Normal, on est toujours plus tranquilles à deux qu'à sept, et peu importe la quantité d'alcool ingurgitée par les deux en question. Bref, Leigh était en train de penser cela parce qu'Astor venait de lever les bras au ciel comme si elle avait vu en les jumelles la réincarnation de John Lennon et John Kennedy réunis. Mais ce fut de courte durée car elle se plaça pile entre elles et flirta avec le bartender pour obtenir des boissons, manoeuvre totalement inutile puisque, ô, bonheur, ô joie, ils étaient, comme par hasard, les meilleures potes du patron.

Leigh récupéra un petit verre à shot dans sa main et le porta devant ses yeux. Le liquide était vert fluo ; sur le coup elle trouva ça extrêmement cool. Et d'ailleurs, elle leva son verre et hurla de tout son saoul (ahah c'est le cas de le dire) : « A LA DECOUVERTE D'UNE VIE EXTRATERRESTRE DANS L'ESPACE, YOUPIIIII ! »

Avant de boire son shot d'un train et de chuter de son tabouret pour s'écrouler par terre, emportant tous ses amis comme une rangée de dominos.

« PUTAIN Y'A DEUX MINUTES ON ÉTAIT DEUX ET LÀ ON EST .... BEAUCOUUUUUUUUUP »

Jamie se mit à hurler à pleins poumons alors que Reese venait de s'accrocher à elle pour l'embrasser sur la joue - baiser qui ressemblait plus à un suçon de pieuvre enivré de bière - et qu'elle se rendit soudain compte d'être entouré de tous ses amis. Un verre de Tequila vint se poster sous ses yeux et elle resta un moment à le fixer avant d'exploser de rire : elle agita son bras en hauteur pour appeler l'assistance et elle s'écria en riant « PURÉ J'AI CRU QUE LE CITRON C'ÉTAIT UN POISSON ! »

Elle attrapa le verre et en but une longue rasade comme si le verre contenait du petit lait. Elle le posa violemment sur le comptoir et leva les bras au ciel en hurlant en signe de victoire. Elle sauta du siège du comptoir, tituba un instant bien qu'extrêmement stable dans ses petites chaussures plates, et s'élança vers April qui était accoudée non loin de là. En se voyant, les deux jeunes femmes levèrent leurs mains en l'air et se mirent à hurler : Jamie lui sauta dans les bras, la serrant fort, puis après un instant, elle secoua son amie :

« Est ce que t'as vu mon meeeeeeeeeeec ??!!! Il est graaaaand, il est beaaaaau, il doit être bourréééé et avoir faaaaaaim !!! »

Avant qu'April ait pu lui répondre quoique ce soit, elle sentit la main ferme d'Astor à ses côtés l'aggripée furtivement pour l'entraîner dans sa chute. Jamie sentit son corps partir en arrière, et d'instinct - oui il fonctionne toujours bien sous l'emprise de l'alcool - elle attrapa April va le poignet, l'entraînant de même dans la chute. La rangée venait de mollement chuter au sol. Étalée entre les cheveux bouclées de April et les jambes flagadas de Astor, Jamie gît un court instant avant d'exploser de rire. Elle sentit soudain son ventre légèrement humide, et relevant la tête, elle se rendit compte qu'un verre de bière ainsi qu'un ramequin de cacahouètes et d'olives avait chuté sur son tunisien blanc. Une idée merveilleuse illumina soudain son cerveau, et elle se tortilla entre Astor et April pour s'extirper du cafouillage humain. Elle s'élança alors à l'aveuglette, et se mettant sur la pointe des pieds, elle chercha Lorenzo du regard. Vite, vite, vite, elle devait lui dire avant qu'elle oublie.

Au milieu de la piste, elle reconnut soudain sa touffe de cheveux, et elle s'élança vers lui. Arrivant à sa hauteur, elle se présenta devant lui comme une petite fille, les bras et les jambes largement écartées laissant découvrir avec horreur son tunisien recouvert encore de cacahouètes et de morceaux d'olives imbibés de bière.
« REGARDE MON AMOUR JE SUIS COMESTIIIIIIIIBLEEEEE »

Fière de sa bonne blague, elle resta un moment avec un large sourire béant sur le visage, les bras écartée, ressemblant ainsi plus à une ahurie échappée d'un asile qu'à une jeune femme civilisée. Tant pis si elle ne lui avait pas dit bonjour, et fait quelques politesses, vu sa tête il devait être aussi défractée par l'alcool qu'elle. Et elle avait soudain aussi très envie de vomir.

Y'a pas à dire, Lorenzo n'était pas le profil type du patron d'un gros bar branché. Il ne portait pas de tenue chic et choc et passait plus de temps dehors qu'à bosser. Et quand il ne trainait pas avec ses amis, il préférait s'adonner aux joies de la musique en participant aux soirées qu'il organisait dans son bar. Mais la chose qui faisait de lui un patron à parts entières, c'est qu'à chaque soirée entre amis, il était complètement bourré. Ne suivant plus les arrivés à répétitions de ses collègues de soirées (il fallait dire qu'ils étaient plutôt nombreux sur ce coup là et que sa tête commençait à cogner dans tous les sens).

« Eeeeeuh, je crois qu'elle est par là.» répondit-il à Astor en pointant son doigt vers la droite. « Ou plutôt par là. » Cette fois-ci, il le pointa vers la gauche. « Nan en fait, elle est là bas. » Il pointa son doigt vers l'arrière, sans se retourner. « Quoi que ... elle pourrait bien être ... En fait, j'en sais rien. » Se tenant à son amie, il retint une envie de vomir. Il devait d'abord attendre que Reese lâche la sauce avant de lui même repeindre les cuvettes des toilettes.

A son tour, il attrapa son shooter de tequila en lançant un clin d'œil au barman et un hochement de tête voulant - sûrement - dire un merci bien pensé. Il regarda ses amis qui, tour à tour, levaient leurs verres pour un évènement spécial avant de le boire cul sec. A son tour, il leva son shooter dans les airs, renversant par la même occasion quelques gouttes de Tequila sur sa chemise. « MOI JE ... JE LÈVE MON VERRE AU CRÉATEUR DES KEBABS. PUTAIN QUE C'EST BON CES CONNERIES ! » Sur ses paroles, il avala le contenu de son verre, avant de renverser celui-ci sur le bar avant de se diriger vers la piste venant de repérer des collègues de travail, qui étaient pas mal bourrés dans leur genre.

Abandonnant sa bande de joyeux lurons, il se dirigea tant bien que mal vers le petite groupe qui s'était formé histoire d'échanger quelques bonnes paroles. A la voix de Reese venant de l'appeler, il se retourna, limite choqué par ce qu'il venait d'entendre. « OU ÇA UN KEBAB ? OU ÇAAAAAAAAAAAAA ? » Il se leva sur la pointe des pieds, histoire de cherche ce qu'il avait en tête : une assiette avec un énooooorme kebab dégoulinant de sauce accompagné de frites débordant de l'assiette. Lorenzo pouvait bien être saoul, endormi, mourant ou autre, il pensait limite toujours à la bouffe. Mais lors de l'enterrement de sa grande tante il y a sept ans, il s'était éclipsé vers le buffet alors que les autres étaient encore à l'église. De toute manière, il l'aimait pas vraiment cette tant là et puis les canapés au saumon aurait fait retourner Jésus dans sa tombe tellement c'était bon.

« JE CROIS QUE JE L'AI TROUVE REESE ! » fit-il en désignant Jamie imitant l'étoile de mer au milieu de la piste, de la bière et des cacahuètes sur son top blanc. « MAIS C'EST PAS UN KEBAB. » Il abandonna les autres pour se diriger vers elle, attrapant son visage au cœur de ses mains pour l'embrasser fougueusement. « Kebab ou pas, elle est à moi en tout cas »