What do I need to do to see myself in a better mood [R.]

Il fallait qu’elle voie Leigh. Il fallait qu’elle se défoule sur quelqu’un et elle savait qu’au moins, elle, elle ne lui en voudrait pas de le faire. Il fallait qu’elle lâche une fois de plus tout ce qu’elle pensait sur ce foutu patron, mais qu’elle ne pouvait décidemment pas lui dire en face si elle voulait rester à Amsterdam. Malheureusement, cet homme était le seul galeriste qu’elle avait démarché à avoir accepté de l’embaucher bien qu’il n’avait pas besoin d’elle. Ca pourrait surement faire de lui un homme aimable s’il l’avait fait pour l’esprit de la jeune femme et non pour ses formes. Il ne comprenait d’ailleurs pas qu’elle puisse avoir un avis sur les artistes qu’ils exposaient. Aura les trouvaient de plus en plus mauvais et lui de plus en plus merveilleux. Elle qui n’avait jamais pu travailler en contradiction avec ses gouts, cette fois elle était servie ! Et pourtant, elle ne pouvait pas démissionner. Ni chercher ailleurs puisque ce cher André serait tout de suite au courant et la mettrait à la porte avant qu’elle ne trouve quelque chose qui lui convienne ou pas. Elle avait besoin de ce travail pour son visa. Elle avait besoin de ce travail pour payer son appartement. Elle haïssait ce travail.

C’était en claquant la porte de la galerie qu’Aura était partie ce jour-là. La journée avait été longue, inintéressante et irritante à tous points de vue. Les seuls clients qui étaient passés étaient du même niveau qu’André et adulaient comme lui cet « art » semi-pornographique dont il était si fier. Leur attitude avec elle faisait croire qu’ils la prenaient pour une œuvre à part entière sauf qu’elle avait le mérite d’être en trois dimensions. Aura avait donc tout fait pour vendre à ces messieurs une toile pour une somme astronomique le plus rapidement possible et se débarrasser d’eux tout aussi rapidement, ce qui était des deux, la chose la plus ardue. Elle avait ensuite eu droit à une parole intelligente d’André, et contre toute attente n’avait même pas pris la peine de répondre. Elle était lasse de ces remarques vaseuses à longueur de journée et n’aspirait qu’à rentrer chez elle. André voulant pourtant une réponse aussi délicieuse que son employée avait continué son discours interminable en finissant par un avis sur l’art qu’Aura n’avait pas pu supporter. Comment cet homme sans aucune culture, qui ne voyait qu’une seule forme d’art : une représentation vulgaire de la femme faite par des pervers aussi désespérés que lui ; oui, comment pouvait-il oser donner son avis sur l’art ? Comment ?

Barbara ne pouvait toujours pas s’ôter cette question de la tête. Elle avait quitté la galerie depuis une bonne demi-heure et repassait en boucle ce discours, de plus en plus horrifiant et insultant à chaque instant. Il fallait qu’elle démissionne. Elle ne le pouvait pas mais il le fallait. Sans s’en rendre compte, ses pas la menèrent jusqu’aux environs du musée où travaillait Leigh, sa meilleure amie. C’est à ce moment qu’elle avait comprit qu’il fallait qu’elle lui parle. Les deux amies ne se voyaient pas tant que ça mais elles se retrouvaient toujours, peut importe les circonstances. Et là, à cet instant, Aura avait besoin de lui parler. Elle accéléra le pas, passa rapidement dire bonjour à la collègue de Leigh qu’elle connaissait bien et partit dans le dédale des salles à la recherche de son amie. Elle la trouva le nez levé sur un tableau en train de prendre des notes.

« Leigh »

Aura l’interpella le plus doucement possible, et arrivée à son niveau l’enlaça rapidement. Elle essayait de contenir la fureur qui la consommait mais elle savait de toute façon que Leigh devinerait tout de suite ce qui se passait.