Just like you said it should be [R.]

« A PLUS TARD LEIGH ! »

Sans attendre de réponse, Jamie claqua la porte d'entrée pour s'élancer à toute vitesse hors de l'appartement. Ce soir, elle voulait, pour la première fois de toute sa vie, être à l'heure. Pour un rendez vous à dix neuf heures au restaurant, elle patientait depuis ce matin dix heures et s'était préparée à deux heures de l'après-midi. Elle avait fait les cent pas dans l'appartement au grand damne de Vladimir qui n'avait pu trouver d'endroit calme pour faire sa sieste de douze heures quotidienne.

Arrivant dans la rue près de sa bicyclette, elle enfila son petit gilet noir pour recouvrir ses épaules nues : elle avait mis sa plus jolie robe en mousseline rose, et même si Leigh la trouvait trop décolleté, Jamie trouvait qu'elle traduisait toujours sa personnalité. Elle grimpa ensuite sur son vélo, et se mit à pédaler rapidement pour se diriger Rembrandtplein.

Ce qui hâtait Jamie n'était pas le dîner qui l'attendait, parce que même si elle se réjouissait toujours d'aller manger dans un petit restaurant italien pour se nourrir, mais c'était bel et bien la personne avec qui elle allait le partager. C'était son premier rendez-vous romantique avec son dernier coup de coeur : Lorenzo Baretti. Elle ne le connaissait pas du tout, ou très peu, malgré le fait qu'elle ait partagé quelques verres avec lui dans le bar où elle l'avait rencontré. Peu bavard, elle avait fait la conversation pour deux, parce qu'en plus, quand quelqu'un lui plaisait, elle paniquait et parlait trop. D'ailleurs elle avait regretté de lui avoir parlé de la vasectomie de son grand oncle Trevor.

Roulant sur le pavés, elle crut avoir un accident en pensant soudain alors qu'elle se mettait à penser à Lorenzo la première fois qu'elle l'avait vu : sur scène en train de chanter. Disons que la scène était magnifique, mais Jamie y voyait plus une scène qui suggère un acte plus intime. Elle gara son vélo ensuite, non loin du restaurant, puis après avoir convenablement mit son antivol, elle se posta devant en attendant. Valait mieux ne pas être ridicule en l'attendant à l'intérieur. Surtout qu'il était dix neuf heures moins trois et qu'il n'était certainement pas là. "Pitié qu'il arrive vite" se dit-elle en croisant ses bras sur sa poitrine.

[Tout court tout pile ]

« Ok, on se la fait une dernière fois. »

fit le producteur en réglant nombreux de ses boutons. Il fallait dire que les plateaux de son dans un studio ressemblaient plus à une cabine de pilotage qu'autre chose. Lorenzo en connaissait les trois quart - même s'ils avaient encore du mal avec certains - et pour le moment, il n'était pas encore vraiment près à apprendre le dernier quart. Il regarda sa montre. A ce train là, il allait vraiment arriver en retard à son rendez-vous et peut-être même qu'il n'aurait pas le temps de rentrer chez lui pour se changer. Il enfila le casque et recommença sa prise. La chanson s'appelait Split Screen Sadness et c'était l'avant dernière qui lui permettrait de clôturer son nouvel album. Il quitta le petit studio - situé en plein cœur d'Amsterdam - une heure plus tard et il avait rendez-vous dans à peine dix minutes avec Jamie dans Rembrandtplein. Il signa quelques autographes à des fans qui l'attendaient dans la rue depuis le début d'après-midi et s'engouffra dans la grosse Mercedes noire.

Pour un homme, arriver en retard c'est quasi inconcevable. Et pourtant. C'est avec plus de trente minutes de retard qu'il gara sa voiture sur la parking du petit restaurant italien. Il avait eu le temps de dompter sa tignasse et ressemblait plus à Lorenzo qu'à Jimi Hendrix. Quant à sa tenue, il portait un tee-shirt "You are here", sous une veste de cuir marron accompagné d'un jean foncé et de baskets blanches.

« Je suis complètement désolé. J'avais prévu de partir plus tôt du studio mais j'ai été retenu. »

Lorenzo se confondit en excuses voyant Jamie qui l'attendait dehors. Elle affichait peut-être un grand sourire - magnifique en passant - il savait qu'il avait gravement abusé sur ce coup là. Ils s'étaient rencontrés pour la première fois dans un bar et même si lui n'avait pas parlé beaucoup, il s'était contenté d'hocher de la tête en l'écoutant parler de sa jumelle, en passant par sa famille porche sans oublier les repas quotidiens qu'enfournait un énorme chat du nom de Vladimir Poutine. Son naturel l'avait énormément amusé et il pouvait l'avouer, cette fille avait un certain quelque chose qui ne le laissait pas indifférent. Peut-être le fait qu'elle faisait la conversation pour deux. Limite, elle aurait put répondre à sa place mais cela l'amusait.

« Rentrons, tu vas attraper froid. » Il lui ouvrit la porte du restaurant et la suivit à l'intérieur.

[Bwah, c'est carrément nul désolée ]

Le voyant enfin arriver de loin, après trente minutes d'angoisse et de stress insoutenable, Jamie poussa un long soupire de soulagement. Elle ne lui en voulait pas du tout - déjà parce qu'elle était très mal placée pour en vouloir à quelqu'un qui est en retard - mais elle avait craint par dessus tout qu'il ne la laisse et l'oublie, et du coup, les trente dernières minutes étaient dérisoires comparé à l'attente s'il n'était pas venu. Frottant discrètement sur ses vêtements, et remettant ses cheveux en place, elle esquissa un large sourire, tentant de lui montrer qu'elle n'était pas du tout gênée de ce retard. Au lieu de répondre à ses excuses par un "t'inquiètes, d'habitude je suis en retard de deux heures et demie à mes rendez-vous", elle hocha simplement la tête et haussa les épaules.

« Ce n'est rien, tu n'auras qu'à m'offrir un verre pour te faire pardonner, je meurs de soif ! »

Elle éclata d'un rire cristallin comparable à celui d'une enfant de sept ans, puis attrapa Lorenzo par son bras pour l'emmener avec elle à l'intérieur du restaurant. En pénétrant à l'intérieur, une vive chaleur et odeur de nourriture firent basculer Jamie : son ventre gargouilla de plaisir à la vue des petites tables et des plats qui passaient sous son nez. Un serveur arriva et les installa dans un coin de la salle légèrement sombre mais éclairé par les bougies des tables. Ca bavait de romantisme c'était pathétique et pourtant si plaisant à voir. Alors que Jamie s'installait, elle priait Dieu tout puissant que Lorenzo ne s'adonne pas à des hypothèses farfelues sur le cadre dans laquelle ils avaient leurs premiers rendez vous officiel. Et s'il croyait qu'elle allait le demander en mariage ? Si elle allait lui dire qu'elle veut vivre avec lui ? Qu'elle veut des enfants avec lui parce que le mélange de leurs deux codes génétiques créeraient des dieux en puissance ? Maladroite comme elle l'était, elle aurait pu. Mais elle se tut, évitant un instant son regard. On vint leur apporter les menus, et Jamie en profita ensuite pour lancer une conversation.

« Alors ... tout se passe comme tu veux dans tes ... trucs de musique ? »

Mais qu'elle était cruche. Elle jeta un regard furtif vers la fourchette : si elle racontait encore n'importe quoi, elle se l'enfoncerait dans la cuisse. "Truc de musique"... Mais qu'est ce qu'elle était pitoyable. Comment pouvait-on impressionner un musicien professionnel en délivrant un vocabulaire approximatif sur son domaine de prédilection. Elle ajouta précipitamment :

« Je suis désolée, je m'y connais pas du tout donc je risque de massacrer ton métier ... »

Ca ne pouvait après tout pas être pire que la vasectomie de Tonton Trevor.

« Même deux si tu veux ! »

La suivant dans le restaurant, Lorenzo souriait comme un niais. Comme un de ces adolescents boutonneux qui venaient de réaliser l'exploit du siècle : sortir avec une fille. Wow. Il s'imaginait quand même mal avoir le fantasme d'un matheux, c'est à dire se taper une fille en récitant ses tables de multiplication. Deux fois. Une fois de un à neuf, et la deuxième de neuf à un. C'est tellement con d'être un adolescent qu'il en était largement heureux d'approcher de la trentaine. En même temps, on pouvait pas vraiment dire que ses histoires de jeunesse auraient pu intéresser quelconque. Et c'est pas lors d'un premier rendez-vous avec une jeune fille plutôt canon que l'on peut raconter que, étant jeune, il avait cherché Pamela Anderson montrant ses seins sur internet. En même temps, la recherche n'avait pas été très difficile et il en été même sorti déçu. Limite la poitrine de Sarah Paline aujourd'hui aurait été plus canon. Bref.

« Pas de problème mais je dois limite t'avouer que je suis déstabilisé. C'est la première fois que je sors avec une fille qui ne me demande pas mon autographe. »

Il attrapa le menu et jeta un rapide coup d'œil avant de le refermer d'un coup sec pour le reposer à côté de lui. Ayant déjà mangé ici avec des amis à maintes reprises, il connaissait à peu près la carte par cœur ainsi que les plats qui le rendaient le malade. Et puis les raviolis, il n'aimait pas ça alors cela ferait déjà quelques plats à supprimer de la carte quant à ses choix.

« Je rigole hein, je suis pas aussi connu que le joueur d'accordéon qui bosse ici tous les samedi soirs. »

Si on connaissait bien Lorenzo, on pouvait voir qu'il était limite nerveux. Quand il est complètement à l'ouest, ce n'est pas réellement un beau spectacle à voir. Il lance des vannes complètement pourries et des petites répliques qui auraient limite pu paraître drôle si Ashton Kutcher les avait dites seulement vêtu d'un caleçon à cœurs rouges dans un soap américain. Mais il n'était pas Ashton Kutcher et il n'avait pas non plus de caleçon à cœurs rouges.

« On est entrain de finaliser mon nouvel album donc évidemment c'est un peu Tchernobyl nouvelle version, niveau emploi du temps mais bon, je suis ne suis pas encore mort donc ... » Ouais, la ferme Lorenzo.

{Désolée du retaaaaaaaaaaaaard }

A sa première remarque, Jamie minauda et fit signe d'être tout de même vexée en fronçant légèrement les sourcils. Peut être avait-elle sous estimé le fait qu'elle était en compagnie d'une starlette amstellodamoise. Enfin, bien sûr, elle était elle, et peut être qu'elle n'aurait peut être même pas réalisé qu'elle était en train de dîner avec Justin Timberlake.

« Comment ? Je suis ton premier rencard avec une non-fan ? » s'emporta-t-elle, prenant un air faussement outrée. Elle finit par lâcher un rire franc qui outra la plupart des gens qui dînaient autour d'eux dans un silence de cimetière ; ils dévisagèrent un temps Jamie qui se dissimula rapidement derrière le menu. Ici commençait le marathon impossible de choisir le plat qu'il fallait : pour toutes les filles à leurs premiers rencards tout se jouait dans le choix du plat. Si elle prenait une salade, elle passerait pour une anorexique refoulée, si elle prenait une pizza et qu'elle la finissait (ce qui était probable à quatre-vingt dix neuf pour cent) elle passerait pour une boulimique refoulée. Les pâtes étaient aussi une vraie galère si on ne savait pas les manger façon italienne avec la cuillère : on s'en met pleins partout, et on a plus de tomates et de parmesan sur le visage et les vêtements que dans l'assiette. Comment donc passer pour une fille à la fois heureuse de vivre qui mange bien mais pas trop, et qui est aussi relativement bien distinguée pour ne pas s'en mettre pleins partout.

Elle redressa son visage de derrière le menu alors que Lorenzo lui parlait de nouveau. Elle esquissa un sourire, et tapota mollement sur sa main pour le rassurer avant de se plonger de, nouveau dans sa lecture. « Oui mais à ton avantage, tu dois avoir plus de rencards que Gustaaf qui joue de l'accordéon depuis la création de l'instrument ... » expliqua-t-elle tout en étant concentrée sur son choix. Bon. C'était décidé : tout se jouerait autour d'un Risotto aux Cèpes.

Jamie posa le menu à ses côtés, et se pencha un peu plus en avant en s'appuyant sur la table, portant une oreille attentive à ce que Lorenzo disait. Même si c'était un peu brouillon, c'était adorablement chou et superbement mignon à croquer. Elle reprit vite ses esprits pour lui répondre.

« C'est que ça ne doit pas être un album si pathétique alors ... » conclut-elle en un hochement de tête. « Je serais très curieuse de voir un vrai studio d'enregistrement » dit elle en ayant l'air pensive.

«Bon sinon ! » sursauta-elle en tapotant dans ses mains « Je ne sais rien du tout sur toi et ta vie mis à part que tu es un musicien relativement connu, très séduisant qui aime la nourriture italienne... Donc dis m'en un peu plus » Elle conclut par un sourire ravit et excitée. Elle adorait déjà cette soirée, ces moments où l'on ne sait rien l'un de l'autre restent, il paraît, les premiers plus beaux moments d'une histoire qui dure.

[ pardon aussi du retard ]

Il fallait l'avouer, Lorenzo n'était pas vraiment digne des Don Juan des temps modernes. C'était pas le langage soutenu, les roses, les restaurants chics et les petites phrases qui font toujours plaisir mais qui sont super bateaux et légèrement à chier ; du style "ton père est un voleur, il a pris les deux plus belles étoiles pour les mettre dans tes yeux". Ouais, laisse tomber Lolo, tu vaux bien mieux que cela. Si Jamie cherchait réellement ce genre de personne, elle pouvait bien être déçue. Lorenzo était souvent connu pour être le boulet de service, maladroit et pas sûr de lui. C'était plutôt du genre à raconter sa vie alors qu'il essayait vainement de se taire tandis qu'il jouait avec la salière avant d'en renverser le contenu sur la table. Niveau drague, il était largement en dessous du niveau zéro, mais il faisait avec.

« Au moins tu auras plus de conversations qu'elles. »

Lorenzo avait trouvé, en quelque sorte, une personne avait qui il pouvait bien s'entendre sans réellement se prendre la tête. Jamie était du genre jeune fille extravertie sans en faire trop et avec qui on pouvait se rendre ridicule sans pour autant qu'elle y fasse attention. Du moins, c'est ce qu'il croyait voir. On peut pas vraiment dire qu'il sache lire dans le regard des autres mais il essaye néanmoins de s'en faire une quelconque idée.

« Gustaaf est peut-être un tombeur de ses dames sans qu'on le sache. » Sourire ironique. « Mais oublions Gustaaf pour ce soir. »

Il attrapa la carafe d'eau et servit Jamie en première avant de se servir lui même. Il fallait qu'il mette toutes les chances de son côté pour ne pas tout faire foiré comme la dernière fois. Et mettre les chances de son côté voulait dire : ne pas raconter de a à z en passant par m et t comment on accordait Wendell la guitare. Car oui, Lorenzo aime donnait des petits surnoms à ses instruments de musique. Wendell la guitare acoustique, Joe la guitare électrique, Patrick la basse, Marie le tambourin, Dean la batterie ... bref.

« Et bien je serai ravie de t'en faire visiter un ! » lui dit-il en souriant avant d'attraper son verre pour en boire une gorgée avant de le reposer sur la table. « Je n'ai pas grande chose à raconter tu sais. » Il fit mine de réfléchir avant de plonger son regard droit dans le sien tandis qu'il jouait avec sa fourchette, signe qu'il était légèrement nerveux. Les premières conversations étaient toujours assez difficiles pour lui. « Je suis né en Italie et j'ai une sœur jumelle avec qui j'habite. J'étais pas vraiment un premier de la classe et j'ai déménagé pour Amsterdam il y a quelques années déjà. Et euh ... je suis pas si connu que ça non plus ais j'espère faire découvrir ma musique. »