Sunday morning brings the dawn in

Leigh n'est pas une bonne cuisinière, c'est un fait connu de tous. Toujours est-il que ce dimanche matin là, la jeune femme se trouvait sans sa chère et tendre soeur jumelle et que son estomac criait famine. Elle s'était donc déplacée jusqu'à la boulangerie au coin de la rue et avait acheté de quoi nourrir quatre Lorenzo au moins en viennoiseries – ce qui faisait, plus ou moins, l'équivalent de deux sacs Ikéa de victuailles. Leigh avait pris cette précaution car il était fort possible que Lorenzo ait passé la nuit à l'appartement, mais elle espérait secrètement que non, comme ça tout ceci serait pour elle (et peut-être pour Jamie mais il lui semblait l'avoir entendu rentrer au milieu de la nuit, et les bruits sourds qu'elle avait aussi entendu semblait corroborer l'hypothèse qu'elle était plutôt faite et s'était pris un certain nombre de meubles et/ou portes fermées).

La jeune femme n'était pas une grosse mangeuse d'habitude, et surtout pas au petit-déjeuner. Seule Jamie pouvait réussir à lui faire avaler un petit-déjeuner plus ou moins équilibré, en plus de son café au lait. Cependant, depuis que Leigh était enceinte, elle faisait preuve d'un appétit vorace.

La jeune femme rentra chez elle gaiement ; elle fredonnait une chanson qu'elle avait entendue au hasard dans la rue en se rendant à la boulangerie, et referma la porte avec vigueur, ce qui valut un cri de surprise à Vlad, qui dormait jusque là tranquillement sur le canapé du salon. Leigh n'y prêta nulle attention et se dirigea droit vers la cuisine. Toujours chantonnant, elle enclencha la cafetière (elle savait tout de même faire du café) et entreprit de mettre la table du petit déjeuner. Bols, assiettes, couverts, pots de confiture, plaquette(s) de beurre, pot de lait, elle faisait les choses en grand, aujourd'hui.

Y a pas à dire, une bonne grosse nuit du samedi au dimanche, ça vous rendait énergique.

[AH ! Y a quinze lignes ]

Les rayons clairs du Soleil inondèrent la chambre de Jamie, la tirant d'une lourde torpeur. Etant rentrée tard hier soir, et dans un état qui ne lui permettait pas d'avoir conscience de tous ses gestes, elle n'avait pas fermé ses vieux volets grinçants, ce qu'elle regrettait immédiatement : elle aurait préféré risquer sa vie en passant par la fenêtre hier soir que d'être obligée de se réveiller de si bon matin après une soirée bien alcoolisée. Il était difficilement concevable pour Jamie Verdi de passer une bonne soirée entre amis sans y ajouter une bonne dose d'alcool pour finir en beauté. Sa soirée avait été - bien que très alcoolisé - relativement calme surtout parce que sa soeur ne l'avait pas accompagnée. Malgré l'envie et la motivation, elle avait préféré rentré seule chez elle, laissant derrière elle Lorenzo, sa profonde envie de sommeil l'ayant remporté sur sa libido débordante.

Se levant mollement de son lit, passant une main sur son visage semblant recouvert par une immense couche de poussière et de maquillage. Elle baissa ses yeux, observant dépité ses vieux vêtements fripés de la veille qu'elle n'avait même pas pris le temps d'enlever. Merde. Titubant vers l'entrée de sa chambre, elle sentit son estomac tourné violemment, comme un paquebot en pleine tempête. Se dirigeant vers la salle de bain, elle entendit dans un bruit lointain les tintements des ustensiles de cuisine. Sa soeur préparait le petit déjeuner. Bénis soit le Seigneur d'avoir offert à Jamie une soeur jumelle qui ne le ressemblait pas.

Se déshabillant et se démaquillant, passant longtemps de l'eau sur son visage, Jamie profita de ces quelques secondes pour oublier que son estomac faisait des vagues et que sa tête lançait. Elle entreprit ensuite de mettre des sous vêtements propres et enfila ensuite son vieux pyjama miteux qui lui apporta un confort familier. Puis elle se dirigea vers la cuisine.

« Aaah moi et ma gueule de bois te seront éternellement reconnaissant » déglutit Jamie en s'installant à la table du petit déjeuner, inondée de victuailles comme si tous les voisins allaient venir chez les Verdi. D'un geste extrêmement lent et décousue, elle attrapa le bol et un paquet de la boulangerie dont le contenue serait identifié qu'une fois qu'elle l'aurait ouvert.
« Guaaah » grogna-t-elle, puisque les seuls mots qu'elle pouvait prononcé être des onomatopées et que celui ci s'appropriait plus à un "merci beaucoup tu gères à fond, tape m'en cinq frangine". Intellectuellement parlant, elle était tout aussi limitée. Ce matin plus que d'habitude.

« AAAAH, putain Jamie tu m'as fait peur, on dirait Michael Jackson dans le clip de Thriller ! »

Leigh, les deux mains sur son coeur qui battait la chamade, essaya de se concentrer sur l'entité que représentait Jamie – sa soeur jumelle adorée – plutôt que sur l'apparence physique qu'elle présentait ce matin-là. Naturellement, lorsque Leigh rentrait de soirée aussi amochée que sa soeur, elles se ressemblaient plutôt le matin : cheveux en bataille, yeux vitreux, langue pâteuse, teint blafard. Mais, une fois encore, ce matin-là était complètement différent dans la mesure où Leigh était en pleine forme.

Elle s'assit à son tour devant la table du petit déjeuner et versa du café dans leurs deux bols (sur celui de Jamie il y avait écrit 'Go fuck yourself fucker' et sur le sien une vache dansait un rock avec une chèvre) ; elle força un peu plus sur la dose pour sa chère soeur, devinant sans trop de mal qu'elle risquait d'en avoir plus besoin qu'elle. Plus elle leur ajouta du lait et touilla avec amour – inutile de dire que l'instinct maternel commençait à se développer chez Leigh. Dans une tasse, elle versa du lait et elle la posa par terre ; Vlad, ayant compris que c'était l'heure du petit déjeuner, venait d'entrer dans la cuisine, sa grosse queue touffue en point d'interrogation.

« Lolo est pas là ? » demanda-t-elle en portant son bol à ses lèvres et en toisant sa soeur par dessus le rebord, « t'es rentrée tard, non ? C'était bien ? »

Au fond, elle était légèrement jalouse de sa soeur et sa liberté ; parfois, elle se sentait un peu enchaînée à ce gosse qui allait lui pourrir l'existence pour les vingt années à venir (au moins). Bien entendu, elle avait aussi des moments (très nombreux) où elle respirait la joie de vivre et ne concevait pas de bonheur plus grand que celui de porter la vie à l'intérieur de soi. Et ce sentiment prenait chaque jour en intensité, maintenant que son ventre s'arrondissait de plus en plus. Enfin, revenons-en à la légère jalousie qui lui valait de poser tout un tas de questions sur la soirée de la veille et d'être toujours dégoûtée par les réponses que lui donnait Jamie, parce que elle aussi aurait aimé être là.

« Si t'étais fatiguée, t'aurais pu aussi aller chez lui, tu sais, je m'en sors bien toute seule et je ferai pas un drame si tu découche un soir... Depuis le temps que tu es avec lui, je lui fais confiance ! » fit-elle en riant.

« Nan »

Marmonna Jamie en se versant un grand bol de café. Elle jeta ensuite trois sucres et commença doucement à touiller dans tous les sens. Elle ne savait pas trop à quelle question son "non" répondait après cette lapidation de questions. Son crâne martelait encore plus à la voix de sa soeur qui la harcelait.

« Je sais pas je suis rentrée ... euh ... tard. Trois ou quatre heures, je ne sais pas. » Elle répondait déjà à cette question qu'elle venait d'oublier la précédente et la suivante. C'était quel ordre déjà ? Elle continuait inlassablement à touiller son café en regardant les petites bulles à la surface du liquide exploser doucement. Entre temps, Vlad venait de sauter mollement sur sa chaise avec son air mauvais habituel : il jeta un regard perfide sur la nourriture, et fusilla Leigh du regard. Machinalement, sa soeur tira un pain aux raisins et lui tendit.

« Tu sais, t'es pas obligée de me bombarder de question quand j'ai mal au crâne » déglutit-elle en levant un regard vitreux mais énervé vers sa soeur. Les lendemains de fêtes arrosés la rendaient tout ce qu'il y a de plus irritable même envers sa propre soeur qui semblait prendre un malin plaisir à lui faire la moral ou lui poser des tonnes de questions.

Jamie en voulait à Leigh : depuis qu'elle était enceinte, elle jouissait d'un contact constant avec autrui qui l'aidait, la soutenait. Mais elle ne pouvait pas sortir : elle restait bloquée chez elle parce que Jamie continuait de vivre et de s'éclater, et cette dernière avait l'impression que pendant ces mois de grossesses, sa soeur tentait de la faire culpabiliser de ne pas rester terrer à ces côtés pendant cette longue et dure épreuve. Mais Jamie étouffait, rien ne la rendait plus phobique qu'une femme enceinte, surtout quand c'était Leigh et ses humeurs.

« Et puis je sais bien Leigh, je n'ai pas besoin de ton avis pour savoir si je peux ou non aller dormir chez Lorenzo ! » Sa voix enrayée c'était éclaircie et elle s'était emportée : Leigh mais aussi Vlad avait cessé de manger pour dévisager Jamie. Ce n'était pas du tout dans ses habitudes de se mettre en colère comme ça, pour une broutille, après une conversation aussi futile que celle qu'elles avaient ce matin là. Jamie dévisagea le chat, puis sa soeur, et se pinça la lèvre réalisant la gravité de ses propos. Elle pencha légèrement la tête, et secoua mollement ses cheveux.

« J'suis désolée, je le pensais pas Leigh ... » Le chat lâcha un miaulement rauque comme s'il venait de boire un litre de bière et Jamie se retourna vers lui, lui jetant un regard noir « Et pardon votre majesté d'avoir troublé votre petit déjeuner ». Vladimir eut un râle et retourna dans la dégustation de son pain aux raisins. Jamie se retourna de nouveau vers sa soeur, l'air sincèrement désolée. « C'est la fatigue et le mal de tête ... » Ses grands yeux se gonflèrent, criant d'excuse.

Jamie était agressive avec Leigh, et c'était si rare et brutal que Leigh se figea. Elle leva un regard interloquée vers son double, et, bien que sa bouche fût ouverte, aucun son n'en sortit. Certes, Jamie avait la tête dans le seau ce matin, mais ce n'était pas une raison suffisante pour justifier un tel comportement – en temps normal, elle se contentait de grommeler quelques mots puis retombait dans un silence amorphe entrecoupé d'onomatopées visant à faire croire à Leigh qu'elle l'écoutait. Leigh baissa la tête vers son bol et y plongea sa cuillère pour la remuer en silence.

« Ouais... » fit-elle en réponse aux excuses de Jamie qui étaient loin de la convaincre ni de rattraper la sensation de coupure profonde qu'elle ressentait chaque fois qu'elle et sa soeur étaient en conflit. Elle garda le visage baissé, pour ne pas voir le visage de Jamie, et l'expression de remords à laquelle elle s'attendait et qu'elle connaissait par coeur, puisqu'elle avait quasiment la même

Il se déroula encore quelques minutes durant lesquelles les deux jumelles sirotèrent leur café en silence – relatif, puisque Vlad était incapable de manger sans faire de bruit.

« C'est juste que... »

Leigh hésita. Elle leva finalement les yeux pour toiser sa soeur mais ne parvint pas à trouver les mots adéquats pour exprimer sa pensée. Elle avait l'impression que quoi qu'elle puisse dire, cela ne retransmettrait jamais ses véritables intentions et serait mal interprété. Elle savait qu'elle s'aventurait sur une pente savonneuse, mais elle ne pouvait pas l'éviter plus longtemps. Dans l'espace de quelques mois leur vie allait changer pour toujours, et d'une façon radicale. Tout allait être différent. Elles allaient enfin grandir.

« Jamie... »

Leigh prit une profonde inspiration, et sans vraiment s'en rendre compte, elle posa sa main sur son ventre, comme à chaque fois qu'elle cherchait quelque chose auquel se raccrocher.

« Toi et Lorenzo... Ça fait un sacré bout de temps maintenant et... enfin, je pense que vous ne pouvez pas continuer à vivre éternellement comme des adolescents... »

Jamie resta un long moment à observer Leigh : toutes les deux savaient que leurs disputes avaient de plus en plus de sens maintenant que cette dernière était enceinte. Mais Jamie n'arrivait pas clairement à faire comprendre à Leigh ce qu'elle ressentait. Elle n'avait jamais été doué pour exprimer ses sentiments, hérité du côté paternel de la famille, et du coup elle ne réglait ses problèmes relationnels qu'à travers des reproches ou des sarcasmes qui blessaient. La véritable raison qui poussait la jeune Verdi était pourtant si évidente : Jamie était jalouse de l'enfant que Leigh portait. Jamie avait toujours été le centre d'attention de sa soeur : elle s'était occupée d'elle, étant la plus responsable des deux, la plus posée et sage aussi. Leigh avait toujours été la maman spirituelle de Jamie, et elle sentait avec déchirement que l'enfant qui allait naître aller brutalement les séparer. Leigh délaisserait sa soeur, elle déménagerait, pire, elle ne viendrait plus voir Jamie, trop occupé à s'occuper d'une espèce d'être qui s'apparente plus à un escargot qui défèque.

Machinalement, Jamie porta le café à ses lèvres et tenta de reprendre ses esprits en buvant une longue gorgée d'un café à présent froid. Elle évitait le regard de sa soeur, plongée dans un silence profond, cette scène était l'archétype des situations que Jamie détestait par dessus tout. Sa gueule de bois était soudainement retombée, ses nausées remplacées par une profonde envie de fuir en courant. Surtout quand sa soeur l'appela par son prénom. L'intonation donnait déjà la couleur du contenue : ça sentait le discours à trois cent kilomètres.

« Qu ... quoi ?! » fut tout ce qu'elle réussit à articuler en réponse à sa soeur. C'était tout simplement, outrant. Elle pouvait encaisser ce genre de "reproches" de la part de tiers personne, mais pas de sa propre soeur, de sa moitié. Elle fronça les sourcils et se leva d'un coup. Elle resta un long moment à dévisager Leigh, et attrapa furtivement son bol pour le vider dans l'évier. Lui tournant le dos un moment, il y eut un long silence et Jamie se décida enfin à répondre. Elle se tourna vers sa soeur, le visage fermée pour ne pas montrer la peine d'avoir entendu la critique.

« Qu'est ce que tu veux dire par "comme des adolescents " ? Qu'est ce qui te fait le plus chier Leigh ? C'est que moi je continue à m'amuser pendant que toi tu es obligée de vivre avec un morveux dans le bide ou que j'ai pas envie de me caser avec un mec qui ne m'a pas lourdé ? »

Elle hocha la tête, et ne préféra pas réfléchir à ce qu'elle venait de dire, même si au fond elle était consciente d'avoir été atroce. Même le chat Vladimir venait de lâcher son bout de pain aux raisins et regardait Jamie outrée, comme s'il venait de comprendre la conversation.

Bouche-bée, Leigh écouta ce que sa jumelle avait à dire. Et ce n'était pas très beau. C'était même révoltant.

Elle resta quelques longues secondes immobile, comme prise dans la glace. D'ailleurs, son regard, ainsi que les traits de son visage, s'étaient considérablement durcis. C'était une attitude qu'elle n'avait que très peu eu avec sa soeur, car en général, elle avait toujours toléré ses éclats de voix et le fait qu'elle soit plus émotive et démonstrative qu'elle. Jamie avait souvent été le porte-voix de ce qu'elle murmurait tout bas, et s'en était souvent pris plein la gueule pour des choses que Leigh avait exprimé dans un premier lieu. Mais cette fois, Leigh ne pouvait pas accepter autant d'insultes dans une si petite phrase. Car Jamie venait d'appuyer là où ça faisait mal, voire très mal.

Soudain, elle se leva de table, sa chaise buttant sur les carreaux de la cuisine dans un boucan infernal en comparaison avec le silence de mort qui s'était dressé entre elle. L'enfant qu'elle portait, et qu'elle portait seule, on le lui avait bien assez souvent fait remarqué, était celui d'un homme qu'elle avait aimé et qu'elle aimait probablement toujours et dont elle regrettait chaque jour de l'avoir laissé partir. Mais elle l'avait fait parce qu'elle ne savait pas dire non ; parce qu'elle mettait le bonheur des autres avant le sien. Elle était faite ainsi, et ne pouvait lutter contre sa nature. Et Dieu que ça la faisait chier d'être la bonne poire de service, l'épaule sur laquelle tout le monde venait pleurer.

« Tu sais quoi Jamie ? » demanda-t-elle d'une voix cassante et dure qu'on ne lui connaissait pas, « tu me gonfles. Tu ne t'en rends pas compte mais tu as les yeux rivés sur ton nombril, t'es une vraie gamine. Tu as la chance d'avoir un mec qui t'aime et que tu aimes en retour et tu continues à faire comme si c'était un de ces mecs que tu t'es tapé à la sauvette jusqu'à maintenant. Pour l'instant, il est là, mais viendra un jour où il en aura ras le cul de ton égoïsme et il se cassera. Et tu te retrouveras seule, avec tes regrets pour te consoler la nuit. »

Leigh déglutit avec peine sa salive, les larmes lui montant aux yeux. Elle passa sa main sur son ventre à peine bombé et cligna plusieurs fois des paupières pour éclaircir sa vue.

« Mon dieu Jamie, ouvre les yeux, et ne fait la même erreur que moi ! » avait-elle envie de lui hurler. Mais elle resta silencieuse, le regard planté dans celui de sa soeur qu'elle aimait tant. Sa soeur, qui comme toujours, l'avait mise en face de ses conneries. Car oui, Jamie avait raison. Leigh l'enviait. Elle l'enviait tellement.

En silence, elle tourna les talons. Dans l'entrée elle empoigna son sac, ouvrit la porte, et sortit.

Une énorme bouffée de haine grimpait en elle à une vitesse folle : elle s'était déjà disputée avec sa soeur, mais elle n'avait jamais autant ressentie un tel ressentiment à son égard. Elle avait cumulé un trop pleins d'émotions et de colère envers Leigh depuis tout ce temps, et sa soeur venait de lui tendre une perche suffisante pour qu'elle puisse enfin tout faire ressortir.

Elle avait envie de hurler, de pleurer, de briser tous les objets et de lancer Vladimir par la fenêtre. Aucune violence à son égard, mais juste à tout ce qui les entourait, qu'elles avaient achetées toutes les deux : tous ces objets qui lui rappelaient qu'elles avaient proches, heureuses et unis. Parce que pour Jamie, c'était clair. Le comportement de Leigh était plus que évident. Elle voulait se séparer de sa soeur, l'abandonner pour vivre que pour son enfant, et pour cela, elle se servait d'arguments comme l'irresponsabilité de Jamie pour l'écarter de sa vie.

Les mots de Leigh la frappèrent comme si elle venait de lui tirer dessus avec une arme - quoiqu'elle ne connaisse pas cette sensation mais on ne pouvait qu'imaginer la ressemblance - et resta déboussolée, encaissant, sans rien dire. Elle ne pouvait répondre à une telle colère, parce qu'au fond, elle se sentait coupable. Peut être que Jamie avait touché un point sensible en rappelant à sa moitié qu'elle était jalouse de son bonheur, mais Leigh avait aussi éveillé en Jamie un sentiment désagréable de jalousie.

La porte claqua violemment, faisant sursauté Jamie. Elle resta les yeux fermés un long moment, et doucement, les larmes blanches et claires coulèrent aux coins de ses yeux. Elle rouvrit les yeux et se mit à sangloter, se laissant mollement tomber au sol. Oui. Elle était jalouse. Leigh n'avait peut être pas de petit ami qui soit là, mais elle portait en elle l'espoir, la maturité, la vie. Jamie, elle, restait coincée, centrée sur elle et son bonheur. Le bonheur de son enfance qu'on lui avait enlevé à la suite du divorce de ses parents, elle le voulait maintenant, et elle en oubliait que la vie, la vraie vie, c'était à l'adulte Jamie de la vivre. Repliant ses genoux sous son menton, Jamie continua de pleurer doucement, sentant la colère et de la culpabilité la ronger de l'intérieur comme une maladie. Doucement, Vlad s'approcha de sa maîtresse, et s'assit sur le côté, l'observant avec la tête sur le côté, comme s'il s'inquiétait. Peut être que c'était le seul être sur cette terre qui avait compris qu'en réalité, Jamie n'était pas si heureuse.